Description
Ancêtre de la batellerie traditionnelle européenne, embarcation largement utilisée par les préhistoriques et gisant fréquemment dans ou à proximité des stations lacustres, la pirogue monoxyle constitue le thème central de cette étude. Grâce au développement des techniques de datation par la dendrochronologie et le radiocarbone, un corpus de plus de 140 exemplaires, accompagnés d’un plan et datés, a pu être pris en considération. Les spécimens du 19e et du 20esiècle font l’objet d’un chapitre particulier, dans lequel les données ethnographiques permettent de mieux saisir les lacunes que comporteront toujours les analyses archéologiques.
Les esquifs les plus anciens remontent au Mésolithique (vers 7000–6700 avant J.-C.) et sont façonnés dans du pin sylvestre. Les pièces suivantes proviennent de gisements du Mésolithique final (Danemark) et du Néolithique ancien/moyen (Paris-Bercy, Plateau suisse). On observe une évolution dans le choix des essences utilisées, destechniques de façonnage (recours au feu, à la hache et à l’herminette) et des fonctions de ces pirogues. Pour l’âge du Bronze, un ensemble exceptionnel de pièces a été découvert dans les lacs de Bienne et de Neuchâtel. Par rapport à ces dernières, celles de l’âge du Fer ne traduisent guère de différences notables. Tout au plus peut-on signaler l’emploi occasionnel de jauges d’épaisseur, c’est-à-dire un réseau de trous, généralement forés depuis l’extérieur, ayant pour but de contrôler l’épaisseur de la coque.
Les nombreuses datations réalisées ces dernières années montrent que durant le haut Moyen Âge et le Moyen Âge, les monoxyles devaient représenter la majeure partie des petits bateaux, et que les planches étaient surtout utilisées pour les embarcations de plus de 10 à 12 mètres – les chalands. La régression des pirogues au profit des bateaux à planches se situe, en fait, à l’Époque contemporaine. Elle se traduit par leur rapide disparition au cours des 19e et 20esiècles. Ce phénomène semble essentiellement résulter d’une raréfaction de la matière première, et donc d’une augmentationde son coût, non d’un choix qualitatif : au vu des sources écrites, les pêcheurs semblent toujours regretter d’avoir dû abandonner ce type d’embarcation. Cependant, plus la région est éloignée des grands axes commerciaux, plus ces esquifs perdurent.